Sur l'utilisation de l'entropie humide dans les paramétrisations de la turbulence.

Pascal Marquet et Jean-François Geleyn (Météo-France)

Orateur: Pascal Marquet

exposé

Une méthode pour calculer l'entropie de l'air humide a été publiée récemment (Marquet, QJRMS, 2011). Elle permet de déterminer de manière analytique et par une formule simple d'emploi une température potentielle ('theta_s') qui est synonyme de l'entropie d'une parcelle composée d'air sec, de vapeur d'eau et d'eaux condensées liquide ou solide.

L'intérêt de pouvoir ainsi calculer l'entropie de l'air humide est multiple. En premier lieu, c'est un progrès du simple point de vue de la connaissance scientifique. D'autre part, la connaissance de l'entropie (qui est associée au deuxième principe de la thermodynamique) permet de quantifier les aspects adiabatiques et réversibles pour les processus qui sont à l''uvre au sein de l'atmosphère. En particulier, il devient alors possible - par simple calcul ou par observations - de déterminer les impacts des effets diabatiques ou diffusifs, qui ont pour effet de modifier l'entropie dans le sens d'une création en cas d'augmentation des gradients des variables thermodynamiques (vent, température, humidité), ou d'une destruction par homogénéisation de ces variables.

Actuellement, ce sont les deux variables de Betts (une température potentielle 'theta_l' et un contenu en eau total 'q_t') qui sont utilisées dans la plupart des paramétrisations de la turbulence. On suppose que, en absence de source diabatique ou de flux externe, l'effet des flux turbulents est de créer un mélange sur la verticale afin de détruire les inhomogénéités pour ces deux variables. On fait aussi l'hypothèse que ces deux variables sont « conservatives », c'est à dire qu'elles sont conservées en cas d'évolutions adiabatiques et réversibles d'une particule isolée d'air humide, quels que puissent être les processus réversibles à l''uvre, tels que l'évaporation ou la condensation. On reconnaît alors, dans cette hypothèse d'évolution adiabatique réversible, le besoin de baser la turbulence sur la variable entropie humide définie ci-dessus, à la place de la température potentielle de Betts.

Dans le but de trouver une nouvelle formulation pour les flux turbulents et l'énergie cinétique associée (tke), il est nécessaire de revenir à la base des concepts de la turbulence et d'essayer de voir, par exemple, ce qui se passe si on prend en compte la température 'theta_s' dans les calculs de la fréquence de Brunt-Väisälä et dans les nombres de Richardson, avec pour point d'entrée le fait que les oscillations des particules fluides se font à entropie (humide) constante. Il faut ensuite s'intéresser aux liens parfois subtils entre les budgets de l'entropie d'une part et des diverses formes de l'énergie impliquées dans la turbulence en régime nuageux d'autre part. Les résultats récents qui seront présentés lors des AMA ont fait l'objet d'un article qui a été soumis en juillet 2011 au QJRMS (Marquet and Geleyn), et sont en lien direct avec les travaux 'en aval' qui seront présentés par J.-F. Geleyn dans un autre exposé aux AMA.

Marquet, P., 2011. 'Definition of a moist entropy potential temperature: application to FIRE-I data flights' Q. J. R. Meteorol. Soc., 137, pp 768-791.

Marquet, P. and J.-F. Geleyn, 'On a general definition of the squared Brunt-Väisälä frequency associated with the moist entropy potential temperature'. Soumis au Q. J. R. Meteorol. Soc. le 28 juillet 2011.