Tendances multi-décennales et sensibilité climatique du cycle annuel des températures à 2m en Afrique de l'Ouest

Françoise Guichard (CNRM-GAME, CNRS et Météo-France) Laurent Kergoat (Géosciences Environnement Toulouse-GET, CNRS, IRD, CNAP et CNES)

Orateur: Françoise Guichard

exposé

L'augmentation de température observée à la surface au cours des dernières décennies présente de forts contrastes régionaux (IPCC, AR4 2007): elle est plus marquée sur les zones continentales et plus importante la nuit que le jour, et s'accompagne donc d'une baisse d'amplitude du cycle diurne de la température (DTR: diurnal température range). En Afrique de l'ouest, on observe un gradient méridional de ce réchauffement sur les dernières décennies : l'augmentation est plus forte sur le Sahara qu'en zone soudanienne. Dans cette région du globe, une caractéristique essentielle du cycle annuel de la température est sa structure bimodale, avec des températures très élevées au printemps avant l'arrivée des pluies de mousson sur le Sahel, environ 35°C en mai à 15°N (Guichard et al., J. Hydrology 2009).

Cette étude analyse comment ce réchauffement multi-décennal affecte la structure du cycle annuel de la température. Il s'agit en particulier de déterminer s'il s'accompagne de changements importants des températures au printemps et d'évaluer la capacité des modèles à rendre compte de ce phénomène.

L'étude s'appuie sur (i) plusieurs jeux de données locaux et spatialisés (SYNOP, GISS, BEST, CRU) documentant les échelles multi-décennales ainsi que (ii) sur des données de stations sol automatique disponibles sur la dernière décennie et permettant d'explorer les couplages entre température, eau et bilan énergétique à la surface (données AMMA-Catch). Ces données sont utilisées pour évaluer plusieurs réanalyses (ERA Interim, NCEP CFSR, MERRA, NOAA-CIRES 20CR) et modèles de climat utilisés par l'AR5 de l'IPCC (simulations amip, piControl et historical).

Les différents jeux de données analysés indiquent une forte augmentation des températures au printemps en zone Sahélienne depuis 60 ans, supérieure à 1 K. La variabilité inter-annuelle courte (< 10 ans) est minimale au cours de cette période de l'année; en revanche, c'est au printemps qu'on observe la tendance multi-décennale la plus marquée. Cette période l'année se caractérise par une chute remarquable du DTR, couplée à une augmentation du flux infrarouge net (LWnet), en relation avec l'arrivée du flux de mousson; ce phénomène fait intervenir un impact radiatif fort de la vapeur d'eau et des aérosols et conduit à une réduction du refroidissement nocturne. Le printemps se distingue ainsi radicalement de la phase de pleine mousson qui, elle, fait intervenir des couplages entre température et précipitations, les précipitations plus élevées étant associées à des températures plus basses.

En général, les ré-analyses reproduisent qualitativement l'évolution observée mais les résultats sont profondément affectés par des ruptures et évolutions qui apparaissent peu physiques, et entachent la représentation de la variabilité inter-annuelle.

On observe une grande dispersion des cycles saisonniers simulés par les modèles climatiques au Sahel, beaucoup plus importante que celle caractérisant le zone équatoriale du golfe de Guinée. La structure bimodale du cycle annuel de la température fait intervenir la simulation des précipitations; elle est reproduite de manière assez variable.

Cependant, le résultat principal de cette comparaison est que la dispersion entre modèles est maximale avant l'arrivée des pluies de mousson, et fait intervenir de grande différences des températures minimales et du flux LWnet.

On discutera comment les couplages simulés au printemps entre thermodynamique et bilan radiatif à la surface se comparent aux couplages observés ainsi que leur variabilité.