Service Régional de METEO-FRANCE en Guadeloupe
 
 
 
 
COMPTE RENDU METEOROLOGIQUE

Passage de l’Ouragan LENNY

du 17 au 19 novembre 1999 sur l’archipel de la Guadeloupe
 
 


 
 

Rédigé par le service météorologique de Guadeloupe le 1er décembre 1999

(Roland Mazurie, Joël Gueusquin, Christian Brévignon)



- 1 - Historique (trajectoire, évolution)


 
 


1-1 Formation et évolution (13 au 16 novembre)

Depuis le 11 novembre, une zone de basses pressions sur le nord-ouest de la mer des Caraïbes génère des averses orageuses sur une partie de l’Amérique Centrale, du Mexique et l’ouest des Grandes Antilles. La masse nuageuse convective associée à cette zone perturbée commence à se structurer dans la nuit du 12 au 13, mais les enroulements nuageux en basses couches ne sont pas encore très bien définis. Une reconnaissance aérienne est effectuée dans l’après-midi du samedi 13 novembre. Le NHC de Miami classe alors cette perturbation en Dépression Tropicale n° 16. Elle est située à l’ouest-sud-ouest de la Jamaïque, et son déplacement est estimé à 10 km/h vers le sud. La dépression devient Tempête Tropicale 24 heures plus tard, le 14 dans l’après-midi, baptisée LENNY. Six heures plus tard, se développant extraordinairement vite, Lenny atteint le stade d’Ouragan de classe 1 sur l’échelle des ouragans de Saffir et Simpson, puis de classe 2 pendant 12 heures avant de repasser classe 1 dans l’après-midi du 15. L’œil du cyclone devient visible. Lenny est alors situé vers 15 degrés Nord, à 300 km au sud d’Haïti. Lenny va de nouveau se renforcer à partir du 16 novembre, et se déplace alors pratiquement plein est.

Le 16 novembre, le NHC prévoit l’infléchissement progressif du déplacement vers le nord-est, ce qui ferait passer Lenny sur les Iles Vierges, à l’est de Porto-Rico. Dans l’après-midi du 16, Lenny est un ouragan de classe 3, et sa trajectoire s’infléchit vers l’est-nord-est, se maintenant plus au sud que prévu. Le nord des Petites Antilles (Iles Vierges, Saint-Martin, Anguilla, Saint-Barthélemy...) est alors sous la menace directe de cet ouragan.
 
 

1-2 Passage sur la Guadeloupe et son archipel (17 au 20 novembre)

L’ouragan se renforce encore pendant la journée du 17, et atteint la classe 4 avec des vents maximums soutenus de 240 km/h dans l’après-midi. Il s’approche de l’île de St-Croix (Iles Vierges américaines).

Les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy se retrouvent particulièrement exposées. La Guadeloupe paraît en dehors de la trajectoire ; pourtant, les effets violents périphériques vont également la toucher, dès le 17 au matin en ce qui concerne la houle cyclonique de secteur sud-ouest à ouest, dévastatrice, puis le 19 au matin, avec des pluies diluviennes. Le 17, les prévisions de trajectoire envisagent toujours un déplacement vers le nord-est, faisant passer l’ouragan légèrement au nord de Saint-Martin. Mais dans la soirée du 17, LENNY ralentit et commence à s’affaiblir. Il reste quasi-stationnaire le 18 novembre et une partie de la matinée du 19 à proximité immédiate ou sur les îles de Saint-Martin, Anguilla et Saint-Barthélemy, avec un déplacement de type " erratique ". Ces îles subiront le passage de l’œil de l’ouragan, avec des vents maximums soutenus estimés à plus de 160 km/h dans l’après-midi du 18. Alors que l’ouragan se déplace peu en effectuant probablement une ou des petites boucles au voisinage de ces 3 îles, il continue à perdre de son intensité. Le 19 au matin, affaibli et d’intensité de classe 1, l’ouragan s’éloigne lentement des Iles du Nord dans une trajectoire dirigée vers le sud-est, longtemps niée par les spécialistes du NHC de Miami.

Estimant en effet que le centre est devenu peu discernable au sein d’une zone dépressionnaire plus vaste, le NHC indique un déplacement stationnaire ou faible vers l’est alors que ses prévisions du 18 et 19 novembre prévoient encore une direction de déplacement vers le nord-est, ce qui mettrait la Guadeloupe à l’écart du cyclone. Mais LENNY (devenu tempête tropicale le 19 après-midi) se déplace vraiment vers le sud-est, son centre passant dans la nuit du 19 au 20 légèrement au nord de l’île d’Antigua, et à 40 km à l’est de la Désirade en fin de nuit. Le 20 novembre en soirée, Lenny est situé à 200 km à l’est de la Dominique, et entame – enfin - sa remontée vers le nord-est. Il est rapidement déclassé en dépression tropicale le 21 novembre, et se dissipe 24 heures plus tard à plus de 550 km au nord-est de la Guadeloupe.
 
 

A noter que c’est la 1ère fois dans le siècle (en fait, depuis 1886, date de début d’un recensement sérieux de la part des climatologistes américains qui ont constitué une base de données cycloniques sur la zone de l’Atlantique et des mers adjacentes) qu’un ouragan intense traverse l’archipel des Petites Antilles après le 31 octobre : c’est donc une première pour LENNY (précédent cas aussi anachronique : ALICE, ouragan de classe 1 traversant le nord de l’arc antillais le 2 janvier 1955).

De la même manière, un autre aspect exceptionnel est l’allure de la trajectoire de LENNY, inédite dans nos régions avec un déplacement vers l’est sur près de 2000 km en Mer des Caraïbes, avant un arrêt, puis un mouvement vers le sud-est, ... Certains ont rapproché ce cyclone de KLAUS, début novembre 1984, dont la houle avait aussi provoqué des dégâts sur la côte Caraïbe, notamment vers Saint-Barth’. Mais la trajectoire de KLAUS fut assez différente, partant du nord de Curaçao et remontant graduellement vers le nord-est pour passer juste à l’est de Porto-Rico, sous forme d’une tempête tropicale, avant de s’intensifier en Atlantique plus loin, à 200 km au nord de Saint-Martin ...

On a beau étudier le passé cyclonique de la région, il faut bien l’avouer : LENNY est unique et inédit, quoiqu’en disent après coup certains. Il ne faut peut-être pas chercher plus loin, la mauvaise qualité des prévisions cycloniques le concernant, les records et les exceptions n’étant généralement pas modélisés et donc pas prévisibles, ...


 
 
 
 

- 2 - Prévisions et Alertes



2-1 Qualités des prévisions de trajectoires

Une comparaison des 2 modèles peut être effectuée lors de certains réseaux du 15 au 20 novembre (servant notamment au déclenchement du Plan Spécialisé), permettant de bien se rendre compte de la qualité de ces prévisions, ....
 
 
 
 


 
 


 
 
 
 

2-2 Alertes déclenchées par la Préfecture de Guadeloupe

St-Barthélémy et St-Martin

PRE-ALERTE déclenchée le mardi 16 novembre à 17h00

lorsque le début des conditions cycloniques fut prévu à moins de 24 heures ALERTE déclenchée le mercredi 17 novembre à 06h30 lorsque le début des conditions cycloniques fut prévu à moins de 6 heures CONFINEMENT mercredi 17 novembre à 11h00 (pas de message) lorsque le début des conditions cycloniques était annoncé imminent Organisation des secours le vendredi 19 novembre matin (pas de message) lorsque l’amélioration fut avérée au niveau des vents FIN d’ALERTE décidée le mercredi 19 novembre à 16h00 tardive, à cause des inondations gênant les équipes de remise en état des réseaux ...
Guadeloupe et îles proches

PAS de PLAN SPECIALISE : les effets périphériques, forte houle et pluies abondantes, étant " traités " par les bulletins spéciaux de Météo-France (BRAM MétéoFlash), les prévisions de trajectoire ne prenant pas du tout en compte la possible " descente " en latitude du phénomène, et donc le risque de rapprochement, la pré-alerte, un temps envisagé entre jeudi 18 au soir et vendredi 19 au matin, ne fut finalement pas déclenchée.
 
 

2-3 Bulletins spéciaux rédigés par le Service Régional de Météorologie de Guadeloupe

du samedi 13 à 19h00 (naissance de la Dép.Trop 16) au dimanche 21 novembre à 12h30 (dissipation imminente de LENNY)                             le mardi 16 à 06h30 et 11h15                            du mardi 16 à 12h30 au samedi 20 à 10h50                                          englobant les n°11 et 12 concernant uniquement les fortes pluies (Guadeloupe)                             du mardi 17 à 12h30 au samedi 20 à 09h45
                            englobant ceux concernant les fortes pluies sur la Guadeloupe



 
 

- 3 - Conséquences du passage de l’ouragan LENNY sur l’archipel de la Guadeloupe

En préalable, on pourra rappeler quelques caractéristiques marquantes de ce cyclone :

On peut également montrer la trajectoire de cet ouragan avec l’enveloppe des vents supérieurs à 63 km/h (33 nœuds ou tropical storm) - en jaune -et supérieurs à 117 km/h (63 nœuds ou hurricane) – en rouge -, tels qu’analysés en temps réel par le NHC. A noter que le vent supérieur à 63 km/h en valeur soutenue lors du passage de la tempête à proximité de la Guadeloupe ne fut pas observé (surestimation de la zone de vents par le NHC), les vents les plus forts étant observés la veille dans le flux de secteur Sud, alors que l’ouragan était à 200 km plus au nord.
 
 

3-1 Guadeloupe et îles proches

Passage du centre au plus près de la Désirade vers 05h00 du matin le 20 novembre à moins de 30 km au nord-est, à 35 km de la Grande-Vigie vers 03/04h00

Pression minimale réduite au niveau de la mer :

A la Désirade : 994,0 hPa le 20 novembre entre 03h00 et 04h00 du matin

Au Raizet : 996,8 hPa à 03h48 le 20 novembre

La pluie

Voici ci-dessous plusieurs tableaux de

Précipitations recueillies du mercredi 17 au vendredi 19 novembre 1999


 
Stations 17 novembre  18 novembre 19 novembre En 48 heures, les 18 et 19 nov. En 72 heures, du 17 au 19 nov.
Grande-Terre          
Anse-Bertrand Campêche 42,5 mm 155 mm 124,5 mm 279,5 mm 322 mm
Port-Louis Gendarmerie 27 mm 176 mm 263 mm 439 mm 466 mm
Petit-Canal Gros-Cap 48,5 mm 108 mm 135,2 mm 243,2 mm 291,7 mm
Morne-à-l’Eau Gendarmerie 20 mm 120 mm 300 mm 420 mm 440 mm
Abymes Boisvinière 29 mm 103 mm 213 mm 316 mm 345 mm
Abymes Jardin d’Essais 22,3 mm 188,4 mm 37 mm 225,4 mm 247,7 mm
Abymes Le Raizet 23,8 mm 113 mm 207 mm 320 mm 343,8 mm
Le Moule l’Ecluse 106 mm 17 mm 129 mm 146 mm 252 mm
Sainte-Anne collège 84 mm 7,5 mm 94 mm 101,5 mm 185,5 mm
Sainte-Anne Douville 99,5 mm 14,2 mm 118,5 mm 132,7 mm 232,2 mm
Saint-François gendarmerie 28,2 mm 18,3 mm 189 mm 207,3 mm 235,5 mm
           
Basse-Terre          
Baie-Mahault Destrellan 29 mm 288,5 mm 43,5 mm 332 mm 361 mm
Lamentin Caillou 11,7 mm 80 mm 58,5 mm 138,5 mm 150,2 mm
Sainte-Rose Bourg 14 mm 105 mm 54 mm 159 mm 173 mm
Sainte-Rose Sofaia 17,5 mm 119,9 mm 121,4 mm 241,3 mm 258,8 mm
Petit-Bourg Roujol CIRAD 18 mm 99 mm 246 mm 345 mm 363 mm
Petit-Bourg gendarmerie 29 mm 306 mm 37 mm 343 mm 372 mm
Goyave La Rose 42,5 mm 231,5 mm 145 mm 376,5 mm 419 mm
Capesterre Grand Carbet 28 mm 109 mm 232 mm 341 mm 369 mm
Capesterre Bananier   68 mm 198 mm 266 mm  
Gourbeyre Houelmont 25 mm 103 mm 18 mm 121 mm 146 mm
Gourbeyre Gros Morne Dolé 30 mm 144 mm 70 mm 214 mm 244 mm
Basse-Terre Conseil Régional 16,5 mm 38,5 mm 96,5 mm 135 mm 151,5 mm
Basse-Terre Guillard 20 mm 70 mm 68 mm 138 mm 158 mm
Saint-Claude maison du Volc. 36 mm 189mm 90 mm 279 mm 315 mm
Vieux-Fort bourg 22 mm 5,5 mm 90 mm 95,5 mm 117.5 mm
Baillif aérodrome 18,5 mm 78,5 mm 73 mm 151,5 mm 170 mm
Vieux-Habitants Beausoleil  21,2 mm 88,1 mm 100 mm 188,1 mm 209,3
Bouillante Pigeon 19,5 mm 223,5 mm 71,5 mm 295 mm 314,5 mm
Pointe-Noire gendarmerie 33,8 mm 130 mm 84 mm 214 mm 247,8 mm
Pointe-Noire Bellevue 26 mm 192,5 mm 93 mm 285,5 mm 311,5 mm
Deshaies gendarmerie 27,7 mm 146 mm 67,5 mm 213,5 mm 241,2 mm

 
 
Stations 17 novembre  18 novembre 19 novembre En 48 heures, les 18 et 19 nov. En 72 heures, du 17 au 19 nov.
Marie-Galante          
Grand-Bourg Gendarmerie 18 mm 35 mm 88 mm 123 mm 141 mm
Desirade          
Désirade gendarmerie 19,2 mm 7,2 mm 67,7 mm 74,9 mm 94,1 mm

Notons que les précipitations indiquées dans ces tableaux correspondent au relevé journalier de 8 heures le lendemain matin : pluies recueillies depuis 8 heures locales le jour et jusqu’à 8 heures locales le lendemain.

Quelques-unes des valeurs quotidiennes constituent des records (en gras dans les tableaux).

Intensités remarquables au Raizet :
 
  2 jours 24 heures 2 heures 1 heure 15 minutes
Le Raizet. 332 mm

du 18 à 04h00 au 20 à 04h00

301 mm 

du 18 à 16h18 au 19 à 16h18

152 mm

le 19 de 7h54 à 9h54

90 mm

le 19 de 8h30 à 9h30

28 mm 

le 19 de 8h56 à 9h12

Durées de retour (Gumbel) Supérieure à 100 ans 100 ans Supérieure à 200 ans Supérieure à 100 ans 10 ans

Les valeurs en gras constituent des records historiques.

Là où la longueur des séries de mesures (au moins 20 ans) le permettait, nous avons déterminé les durées de retour théoriques de tels événements pluvieux (méthode de Gumbel).

Durées de retour théoriques des cumuls sur un jour :
 
Postes Précipitations en 24 heures en millimètres Durées de retour théoriques (Gumbel) Longueur de la série de mesure
Port-Louis gendarmerie 263 Supérieure à 100 ans 41 ans
Morne à l’Eau gendarmerie 300 Supérieure à 100 ans 38 ans
Abymes, Le Raizet 207  20 ans 38 ans
Moule Ecluse 129 5 ans 40 ans 
Sainte-Anne Douville 118,5 4 ans 35 ans
Saint-François gendarmerie 189 20 ans 34 ans
Baie-Mahault Dupuy 288,5 Supérieure à 100 ans 65 ans
Petit-Bourg gendarmerie 306 Supérieure à 100 ans 43 ans
Capesterre Bananier 198 5 ans 38 ans
Capesterre gendarmerie 166 7 ans 31 ans
Saint-Claude Parnasse 218 4 ans 32 ans
Vieux Habitants Beausoleil 100 3 ans 34 ans
Bouillante Pigeon 223,5 18 ans 31 ans
Deshaies gendarmerie 146 10 ans 47 ans

 

Les précipitations quotidiennes ont donc été exceptionnelles à la fois sur la Grande-Terre (Port-Louis, Morne-à-l’Eau, Les Abymes, Saint-François), sur l’Est de la Basse-Terre (Baie-Mahault, Petit-Bourg, Goyave) et sur la côte " sous-le-vent " de Basse-Terre (Bouillante, Deshaies). Les quantités d’eau sont aussi très probablement exceptionnelles à Pointe-Noire (absence de série de mesure suffisamment longue).

Les régions du Sud Basse-Terre (Vieux-Habitants, Baillif, Basse-Terre, Saint-Claude, Vieux-Fort, Trois Rivières, Gourbeyre, Capesterre), de Sainte-Anne en Grande-Terre, de Sainte-Rose en Nord Basse-Terre, ainsi qu’une partie de la région de montagne (Petite Plaine, Providence, Duportail, Sofaïa, Parnasse, Maison du Volcan) ne présentent pas des valeurs exceptionnelles sur 24 heures.

Durées de retour théoriques des cumuls sur deux jours :
 
Poste Précipitations en 48 heures en millimètres Durées de retour théoriques (Gumbel) Longueur de la série de mesures
Anse Bertrand Campêche 279,5 20 ans 21 ans
Petit-Canal Girard 211,5 12 ans 38 ans
Moule Ecluse 146 3 ans 39 ans
Le Raizet 320 Supérieure à 100 ans 49 ans
Lamentin Caillou 138,5 3 ans 28 ans

Le cumul des précipitations sur 48 heures présente un caractère exceptionnel à Petit-Canal, Anse-Bertrand ainsi que sur l’ensemble des communes de Grande-Terre où les valeurs quotidiennes sont déjà exceptionnelles. Les relevés effectués sur les communes du Moule et du Lamentin ne présentent pas un caractère exceptionnel sur 48 heures.

Durées de retour théoriques des cumuls sur trois jours :
 
Poste Précipitations en 72 heures en millimètres Durées de retour théoriques (Gumbel) Longueur de la série de mesures
Sainte-Anne Douville 232,2 10 ans 32 ans
Moule Ecluse 252 13 ans 39 ans
Sainte-Rose Le Boyer 176 3 ans 27 ans

Le cumul des précipitations sur 72 heures présente un caractère exceptionnel au Moule et à Sainte-Anne, en plus des communes de Grande-Terre citées précédemment. Les données de Sainte-Rose ne sont pas exceptionnelles.

Conclusion : La quasi-totalité des communes de la Grande-Terre a reçu des quantités de précipitations exceptionnelles (au moins décennales) sur un, deux ou trois jours. Les communes de Port-Louis, Morne-à-l’Eau et les Abymes ont subi des déluges centennaux. Nous n’avons pas de données sur Gosier et Pointe-à-Pitre mais les précipitations furent très probablement exceptionnelles, faisant continuité avec celles du Nord Grande-Terre et du Nord-Est de la Basse-Terre.

Sur Basse-Terre, l’Est a été sévèrement touché, avec des valeurs centennales. Le Nord de la côte-sous-le-vent (Deshaies, Bouillante) et probablement Pointe-Noire ont reçu des quantités décennales. Le Lamentin et Sainte-Rose ainsi que le sud de la Basse-Terre et une partie de la région montagneuse sont moins touchés, avec des durées de retour de l’ordre de trois à sept ans.

Les précipitations sur les îles de Marie-Galante et la Désirade ne présentent pas un caractère exceptionnel. Nous n’avons pas eu de données exploitables concernant Les Saintes.
 
 

Le vent

A la Désirade, comme probablement sur la Pointe de la Grande-Vigie (nord Grande-Terre), les valeurs enregistrées maximales furent de :

Au Raizet, le vent de secteur Sud ou Sud-Ouest qui a soufflé durant les journées du 18 et 19 fut moins fort que sur les côtes exposées (effet de continentalité et de masques dus à la végétation) ; les valeurs enregistrées maximales furent de : Dans les endroits dégagés et exposés au sud ou sud-ouest, il est probable que le vent maximal ait pu atteindre 60 à 70 km/h en valeur soutenue, 90 km/h en rafales.
La mer

Météo France ne dispose pas de point de mesure de la houle en mer Caraïbe. L’estimation des creux et la chronologie des événements s’en remet aux témoignages de quelques observateurs (en particulier M. HUC météophile et cyclonologue émérite de Basse-Terre, dont les estimations visuelles ne souffrent pas le moindre doute).

Les vagues les plus énergétiques sont celles pour lesquelles la vitesse de déplacement (vitesse de groupe) est proche de la vitesse de déplacement de l’ouragan. Cette dernière a varié entre 25 et 30 km/h entre le 15 novembre au matin et le 16 novembre en soirée, période pendant laquelle s’est formée la houle cyclonique qui intéressera plus tard la Guadeloupe.

Chronologie des événements (région de la ville de Basse-Terre) :

Nuit du mardi 16 au mercredi 17 novembre : Début d’arrivée du train de houle de Sud-Ouest sur la côte Caraïbe de la Guadeloupe ; amplification progressive en cours de nuit et début de matinée.

Journée du mercredi 17 novembre : La houle prend une direction Ouest frappant le littoral Caraïbe de plein fouet ; de très gros rouleaux se forment à partir de 9heures/ 9h30. De sérieux dégâts commencent à être observés. Après une légère atténuation en fin de matinée, une nouvelle aggravation se produit en début d’après-midi ; le plus fort du phénomène est observé vers 13h / 14 h. Les vagues sont très énergétiques mais n’ont pas plus de 4 mètres de hauteur. M. Jean-Claude Huc témoigne d’une hausse du niveau moyen de la mer, probablement due à l’absence de courant de retour en profondeur ; il estime cette espèce de " marée cyclonique ", ou hausse du niveau de la mer à environ 50 cm. Les déferlantes sont très énergétiques et rebondissent sur les obstacles. Dans la région de Vieux-Fort, la mer a tapé à mi hauteur de certaines falaises, déchiquetant les arbres et déplaçant les enrochements. Des impacts à 20 mètres de hauteur ont été relevés dans cette région où la mer s’engouffre.

Nuit du mercredi 17 au jeudi 18 novembre : continuité de la houle toute la nuit, jusqu’au jeudi matin, avec une rotation au secteur nord-ouest de celle-ci.

Journée du jeudi 18 novembre : La mer devient progressivement moins importante mais reste très forte.

Journée du vendredi 19 novembre : la mer est encore agitée à forte sur la côte Caraïbe.

Conclusion : Contrairement aux ouragans LUIS (1995) et DAVID (1979), pour lesquels la houle dépassait 6 mètres, celle de l’ouragan LENNY n'a pas dépassé 4 mètres. Les dégâts occasionnés par cette houle furent cependant beaucoup plus importants que lors de ces précédents épisodes.
 
 

Les photos de cette page montrent quelques dégâts dus à la houle (front de mer de la ville de Basse-Terre, route littorale défoncée ou coupée), aux fortes pluies (inondations sur une grande partie de la Guadeloupe). Un merci particulier à Alain Delos photographe (et au centre de Documentation des Ouragans de la ville de Basse-Terre).


 
 


3-2 St-Barthélemy et St-Martin

Passage du centre sur les îles ou à moins de 10/20 km durant toute la nuit du 18 au 19 (entre 17/18h00 et 06/07h00)

Pression minimale réduite au niveau de la mer à Gustavia (Saint-Barth’) :

La station automatique de la station météo donne une valeur de 992,0 hectoPascals le 18 en soirée vers 20h00. A noter qu’à ce moment-là, le centre du cyclone tout proche (moins de 25 km) était considéré avoir une pression minimale de 975 hPa ...

La pluie

Le cyclone LENNY, moins de 4 semaines après JOSE et ses records, va aussi rester dans les annales, puisque les pluies y furent diluviennes durant plus de 48 heures

Tableau de précipitations relevées du 17 au 19 novembre 1999


 
Stations Le 17 novembre Le 18 novembre En 48 heures, les 17 et 18 novembre
Saint-Barthélémy Lorient 197,2 mm 196 mm 393,2 mm
Saint-Martin Marigot Gendarmerie 384,4 mm 482,2 mm 866,6 mm
Saint-Martin Marigot D.D.E. 310 mm 353 mm 663 mm

Ces quantités correspondent aux précipitations recueillies depuis 8 heures locales le jour et jusqu’à 8 heures locales le lendemain.

Les valeurs en gras constituent de nouveaux records.
 
 

Ces précipitations en 24 heures ont une durée de retour théorique de 60 ans à Saint-Barthélémy, supérieure à 100 ans à Saint-Martin.

A Saint-Barthélémy, le cumul des précipitations sur 48 heures a une durée de retour supérieure à 100 ans (série de 27 années de mesures).
 
 

Intensités remarquables sur Saint-Martin :
 
  24 heures 12 heures 6 heures 3 heures
Saint-Martin Marigot D.D.E. 575 mm

du 17 à 17h au 18 à 17h

392 mm

du 18 à 5h au 18 à 17h

290 mm

du 18 à 10h au 18 à 16h

152 mm

du 18 à 10h au 18 à 13h

Image radar de Porto Rico du 17 à 18 UTC : activité pluvieuse tout autour de l’oeil
 
 

Le vent

A Saint-Barthélemy, la station météorologique de Gustavia n’a plus de mât anémométrique valide, ni de capteur de vent depuis le passage de JOSE le mois précédent. On ne dispose donc plus de mesures officielles et on devra se contenter d’estimations.

Selon des témoignages visuels, il aurait pu dépasser 200 km/h en valeur soutenue 1 minute et 240/250 km/h en rafales le jeudi 18 en fin de journée, lorsque l’œil et son mur " errait " dans les parages des 3 îles de St-Barth’, St-Martin et Anguilla.

Après analyses de toutes les données disponibles au NHC de Miami (données celles des avions de reconnaissance), on retiendra des valeurs plus modestes : 150 km/h en valeur soutenue, rafales dépassant 180 km/h.

A Saint-Martin partie française, il semble (faute de capteur disponible à Grand-Case non plus) que le vent fut très légèrement supérieur, plus près du mur du cyclone lorsque celui-ci était encore intense, de catégorie 3 ou 4. On retiendra comme valeurs les plus probables, 160/170 km/h, en valeur soutenue sur 1 minute, et rafales proches de 200 km/h.

A signaler que l’analyse du NHC de Miami, à partir des données de reconnaissance avion, indiquait dans ses messages – advisories en temps réel, un vent maximum soutenu près du centre de 175/190 km/h avec rafales de 220/230 km/h.

La durée de retour théorique d’un ouragan de classe 2 (comme le fut LENNY à ce moment-là) sur les îles du nord de la Guadeloupe est voisine de 20 à 25 ans .

Image satellitale de LENNY tout proche de Saint-Martin et Saint-Barth’

La houle et l’état de la mer

METEO-France ne dispose pas de point de mesure de la houle à proximité des îles du Nord. L’estimation des creux et la chronologie des événements s’en remet au témoignage de quelques observateurs.

La hauteur des vagues a été estimée à 5 mètres dans la rade de Gustavia dans l’après-midi de jeudi (direction SW). Compte tenu des effets constatés, comme par exemple le déplacement d’une épave coulée par 10 mètres de fond (cargo de 30 m) sur plus de quarante mètres, et à partir d’expériences antérieures sur les effets de cyclones de même intensité se déplaçant peu, la hauteur des vagues au paroxysme du phénomène a pu atteindre 8 mètres, voire plus.

Conclusion : Les conditions météorologiques subies par ces petites îles ont un caractère tout à fait exceptionnel . Les durées de retour des quantités de précipitations quotidiennes et de la force du vent ont des valeurs supérieures à 50 ans. La persistance des mauvaises conditions météorologiques durant deux jours a conduit à des cumuls de précipitations plus que centennaux.