Service Régional de Guadeloupe

 

COMPTE RENDU METEOROLOGIQUE

Passage de l’Ouragan DEBBY

(de classe 1)

le 22 août 2000 sur Saint-Barthélemy et Saint-Martin

Rédigé par le service météorologique de Guadeloupe le 29 août 2000

- 1 - Historique de DEBBY (trajectoire, évolution)

1-1 Formation et évolution (18 au 21 août)

            Issue d’une « formidable » perturbation africaine, ligne de grains qui s’est développée sur le cœur de l’Afrique du 11 au 15 août, une zone perturbée tropicale est repérée le 16 août entre les côtes du Sénégal et les îles du Cap-Vert (cf en page de couverture, la 3° image-satellite dans le « Hovmoller diagram » représentant l’évolution des perturbations CHRIS puis DEBBY entre l’Afrique et les Antilles, avec une image toutes les 24 heures)

Devenue une zone perturbée tropicale, elle montre une petite organisation tourbillonnaire associée à un minimum de pression. Il faudra attendre le centre Atlantique, à mi-distance entre le continent africain et les Antilles pour que cette perturbation soit classée Dépression Tropicale. C’est la dépression n°7, née officiellement le 19 août à 18 UTC à 1500 km à l’est de Barbade. Elle se déplace alors vers l’ouest-nord-ouest à 28 km/h. La dépression devient Tempête Tropicale le 20 au matin, baptisée DEBBY. Poursuivant son déplacement, elle accélère le 21 et atteint la vitesse de 36 km/h : la moitié nord des Petites Antilles (de la Guadeloupe à Saint-Martin et aux Iles Vierges) est alors sous la menace directe de ce cyclone dont l’intensité est celle d’une forte tempête tropicale (vent maximum soutenu estimé à 60 nœuds ou 110 km/h).

1-2 Passage sur l’arc antillais (nord de la Guadeloupe) les 21 et 22 août

Le 21, la tempête montre une structure « cisaillée », le centre dépressionnaire de surface étant alors à gauche (à l’ouest) de la zone convective principale, le déplacement de basses couches étant probablement plus rapide que le déplacement des couches moyennes et supérieures. Il s’avère vite que le mauvais temps associé à cette perturbation est donc situé en quasi-totalité à l’est et au nord-est de ce centre. Après avoir menacé directement la Guadeloupe continentale, alors en alerte maximale, DEBBY connaît une légère inflexion de son mouvement général vers le nord-ouest, ce qui lui fait éviter la Guadeloupe et ses îles proches, le centre passant juste au nord d’Antigua. Atteignant l’intensité d’ouragan de classe 1, le centre (« œil ») de DEBBY passe alors sur Saint-Barthélemy en fin de nuit du 21 au 22, vers 05h00, puis moins d’1 heure plus tard sur Saint-Martin. Poursuivant son déplacement rapide vers l’ouest-nord-ouest, l’ouragan peu intense traverse les Iles Vierges le 22 au matin, et on le retrouve en soirée à quelques encablures au nord de Porto Rico, qu’il évite finalement.

- 2 – Alertes cycloniques

Voici les phases d’alertes déclenchées par la Préfecture de Guadeloupe du 20 au 22 août

PHASE de VIGILANCE                                         dimanche 20 août 2000 à 12h00

PRE-ALERTE ensemble du département              lundi 21 août 2000 à 08h00

lorsque le début des conditions cycloniques fut prévu à moins de 18 heures

ALERTE Guadeloupe (et îles proches)                 lundi 21 août 2000 à 19h30

lorsque le début des conditions cycloniques fut prévu à moins de 5 heures

ALERTE Saint-Barth’ et Saint-Martin                  lundi 21 août 2000 à 23h00

lorsque le début des conditions cycloniques fut prévu à moins de 5 heures

FIN d’ALERTE Guadeloupe                                   mardi 22 août 2000 à 06h00

le risque de pluies n’étant pas une raison de maintien du Plan Spécialisé

FIN d’ALERTE Iles du Nord                                  mardi 22 août 2000 à 10h30

Le risque de pluies n’étant pas une raison de maintien du Plan Spécialisé

- 3 - Conséquences du passage de l’ouragan DEBBY sur l’archipel de la Guadeloupe

En préalable, on pourra rappeler quelques caractéristiques marquantes de ce cyclone de faible intensité :

-        trajectoire classique de l’est vers l’ouest, avec passage sur le nord de l’arc antillais (cf BERTHA 96, ERIKA 97, GEORGES 98, JOSE 99) ;

-        intensité de tempête atteignant juste celle d’ouragan de classe 1 en abordant Antigua et Barbuda (cf BERTHA 96, ERIKA 97, …) ;

-        déplacement très rapide entre 50 et 65°Ouest entre 16 et 19 nœuds (31 à 36 km/h)

-        structure « cisaillée » avec centre à l’avant de la zone convective principale, située au nord et à l’est de ce centre de surface et de basses couches ; quadrants ouest et sud plutôt inactifs (cf ERIKA 97 et GEORGES 98)…

Ci-dessous l’image du radar de précipitations de Guadeloupe avant qu’il n’aborde Antigua (datée de 21h32 le soir du 21). Le centre, qu’on peut assimiler à un œil en cours de formation, est assez nettement discernable, et cette image sera utilisée avec profit par le NHC pour « relocaliser » et repositionner correctement le centre de DEBBY dans la nuit du 21 au 22.

3-1 Guadeloupe et îles proches

Passage du centre au plus près de la Désirade et de la Grande-Terre entre 22h00 et 23h00 le 21 août à environ 70 km dans le  nord-est

Pression minimale réduite au niveau de la mer :

            A la Désirade (78890) : 1010,1 hPa vers 01h00 le 22 août

            Au Raizet (78897) : 1009,8 hPa à 01h51 le 22 août

La pluie

Très modestes, les quantités sont même moindres que celles relevées la veille durant la nuit, lors de la traversée d’une zone pluvio-orageuse circulant à l’avant de DEBBY.

Les totaux entre 20h00 le 21 et 12h00 le 22 (passage du corps nuageux lié à la tempête) sont de l’ordre de :

-        5/10 mm sur le sud Basse-Terre, les Saintes

-        10/15 mm à Marie-Galante

-        15/35 mm sur nord Basse-Terre, Grande-Terre et Désirade (16,8 mm au Raizet, 27,2 à la Désirade, 31 mm à Sainte-Rose, 17 mm à Sainte-Anne, 37mm au Moule.

Le vent

            Pas de vent en 1° partie de nuit, il a fallu attendre la rotation au secteur sud-ouest puis sud, pour que les premières rafales assez fortes puissent être enregistrées, donc en fin de nuit et matinée du 22.

A la Désirade (station 78890), les valeurs enregistrées maximales furent de :

-        vent moyen sur 10 minutes : 17 m/s ou 61 km/h (33 nœuds) le 22 entre 05h00 et 05h15 de secteur Sud ; ce qui représente en vent soutenu 1 minute une valeur de 70 km/h (si on prend le taux de conversion 1.148)

-        rafale maximale : 27 m/s ou 97 km/h (52 nœuds) le 22 à 05h08 de secteur Sud

Au Raizet (station 78897), les valeurs enregistrées maximales furent de :

-        vent moyen sur 10 minutes : 12 m/s ou 43 km/h (23 nœuds) le 22 vers 12h26 de secteur Sud-Est ; ce qui représente en vent soutenu 1 minute une valeur de 49 km/h (si on prend le taux de conversion 1.148)

-        rafale maximale : 19 m/s ou 68 km/h (37 nœuds) le 22 à 11h13 de secteur Sud-Est

On peut estimer que les valeurs maximales de vent en Guadeloupe ont été généralement comprises entre 60 et 70 km/h en rafales, voire 75 km/h dans les endroits les plus exposés au secteur sud et sud-est.

La mer

            Météo France ne dispose que d’un seul point de mesure de la houle au large de l’île de la Désirade. Les creux les plus importants ont été enregistrés en cours de nuit du 21 au 22, avec une hauteur significative (H1/3) de l’ordre de 4 mètres, la hauteur de 3 mètres étant dépassée durant toute la nuit, entre 18h00 le 21 et 06h00 le 22.

A noter que le modèle de houle cyclonique, mis en œuvre par DIRAG indiquait des hauteurs probables de 5/6 m. assez sensiblement sur-estimées, les zones des vents forts fournis dans les advisories, base du modèle, étant aussi sur-estimés …

3-2 St-Barthélemy et St-Martin

Passage du centre sur les îles ou à moins de 10 km en fin de nuit du 21 au 22 (entre 05h00 et 06h00)

Pression minimale réduite au niveau de la mer à Gustavia (Saint-Barth’ 78894) :

La station automatique de la station météo donne une valeur de 997,9 hectoPascals le 22 juste avant le lever du jour vers 05h00. A noter qu’à ce moment-là, le centre du cyclone tout proche (moins de 10 km) était considéré avoir une pression minimale de 994 hPa (à partir d’une reconnaissance avion) ...

La pluie

Le cyclone DEBBY n’aura pas amené les pluies attendues, puisque les quantités furent faibles, entre 15 et 25 mm à Saint-Barth’, 20 à 35 mm à Saint-Martin.

Image satellitale de DEBBY tout proche de Saint-Martin et Saint-Barth’

Le vent

A Saint-Barthélemy (station 78894), les valeurs enregistrées maximales furent de :

-        vent moyen sur 10 minutes : 22 m/s ou 79 km/h (43 nœuds) le 22 vers 04h49 de secteur Nord-Est, ce qui représente en vent soutenu 1 minute une valeur de 91 km/h (si on prend le taux de conversion 1.148)

-        rafale maximale : 39 m/s ou 140 km/h (76 nœuds) le 22 à 04h37 de secteur Nord-Est.

A Saint-Martin partie française, il semble (faute de capteur disponible à Grand-Case, celui de l’aéroport de Juliana côté hollandais fournissant une estimation) que le vent fut un peu inférieur. Il est probable que le vent soutenu ait pu atteindre 80/90 km/h, les rafales 110/120 km/h (56 nœuds en rafales sur l’aéroport de Juliana).

A signaler que l’analyse du NHC de Miami, dans leurs messages - advisories, indiquait alors un vent maximum soutenu près du centre de 65 nœuds (120 km/h) avec des rafales à 80 nœuds (150 km/h).

 

La houle et l’état de la mer

          METEO-France ne dispose pas de point de mesure de la houle à proximité des îles du Nord. L’estimation des creux et la chronologie des événements s’en remet au témoignage de quelques observateurs.

            La hauteur maximale des vagues a été estimée à 5 mètres au lever du jour dans les parages des îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin

Les hauteurs calculées par le modèle de houle (mis en œuvre par la DIRAG) a fourni, comme pour la Guadeloupe, des valeurs sur-estimées (6/8 mètres dans les Iles du Nord ce qui est beaucoup trop selon les premières estimations), conséquence d’une mauvaise prise en compte de la zone de vents forts, a priori plus étroite et restreinte que celle indiquée dans les advisories. La rapide vitesse de déplacement du cyclone, élément de « moindre » levée de la mer, a probablement aussi été mal prise en compte par le modèle (à confirmer) …

Conclusion : Les conditions météorologiques subies par ces petites îles n’ont pas vraiment de caractère exceptionnel, les dégâts minimes en sont une conséquence, sinon une preuve. Seule la rafale de vent de 140 km/h à Gustavia a un caractère peu fréquent, sa durée de retour est de l’ordre de 9 à 10 ans.

Cette valeur décennale a toutefois été dépassée 5 fois durant les 5 dernières années avec les passages de : LUIS 95, BERTHA 96, GEORGES 98, JOSE et LENNY 99 !

© 2000 Météo-France