IMPACT du CHANGEMENT CLIMATIQUE sur la FORMATION, la FREQUENCE et l’INTENSITE des CYCLONES

 

Une question nous est souvent posée en raison de la médiatisation de l'évolution climatique et des changements attendus. Y aura-t-il plus de cyclones et/ou seront-ils plus intenses dans les années à venir en raison du réchauffement avéré de notre planète, réchauffement dû notamment à la poursuite de l'émission massive des gaz à effet de serre ? Cette question essentielle pour les futures générations a suscité et suscite encore de nombreuses études, dont les résultats ne sont pas tous concordants.

Tout comme pour la question de l'évolution du climat de la planète, on retrouve les partisans du scénario - catastrophe et ceux qui pensent que quels que soient les changements observés, la nature compensera leurs effets et que les bouleversements promis ne se produiront pas forcément.

On ne peut, actuellement, que se baser sur quelques simulations du climat actuel à partir d'hypothèses. Les équipes de Météo-France ont pour leur part développé un modèle climatique (appelé Arpège - Climat), ayant pour but de bien décrire le climat sur le globe et de pouvoir le faire évoluer à partir de simulations prenant en compte divers changements dans les données de départ. Notons que les résultats de ce modèle sont en très bonne concordances avec ceux des autres modèles climatiques européens et américains.

En ce qui concerne l'activité cyclonique et la fréquence des cyclones tropicaux, et après s'être assuré que le modèle numérique fournissait une bonne représentation du climat actuel, une hypothèse étudiée est celle concernant le doublement du gaz carbonique (CO2) dans l'atmosphère durant les prochaines décennies. Cette hypothèse est généralement acceptée un peu partout dans le monde par les climatologues, car elle est vraisemblable et réaliste, c’est celle qui est étudiée parmi d’autres scénarios par les experts du GIEC (Groupe d’experts Inter-gouvernemental sur l’Evolution du Climat dont le rôle est d'évaluer l'information scientifique, technique et socio-économique qui concerne le risque de changement climatique) . En effet l'émission de ces gaz, dits à effet de serre parce qu'ils limitent le rayonnement terrestre de retour vers l'atmosphère, semble non seulement persister mais s'accroître, malgré les recommandations des fameuses conférences mondiales de Rio (1992) et Kyoto (1997) et leurs suivantes, jusqu’à la plus récente de Copenhague (2009). Le réchauffement de la Terre observé depuis le début du XXème siècle devrait alors continuer durant le XXIème siècle, et avec lui ce sont les océans qui devraient voir leur température de surface augmenter.

Il n'en faut pas plus pour imaginer que les mers plus chaudes vont alors favoriser l'activité cyclonique, voire l'intensité des phénomènes sur toutes les régions intertropicales. Mais ce serait oublier que ce réchauffement global avéré va probablement être accompagné de modifications d'autres paramètres climatiques tout aussi influents sur la formation des cyclones


Ainsi quelques questions parmi d'autres se posent :

-Le cisaillement vertical moyen des vents entre la surface et la haute troposphère sera-t-il diminué (avec comme conséquence plus de cyclones) ou augmenté (moins de cyclones) ?

-Le réchauffement observé et prévu en surface sur la planète sera-t-il accompagné d’un réchauffement identique dans toute l’épaisseur de la troposphère (ce qui ne fera donc pas augmenter l’instabilité potentielle = pas d’augmentation du nombre de cyclones) ou la haute altitude ne sera-t-elle pas, ou moins affectée (ce qui augmenterait l’instabilité moyenne = croissance du nombre de cyclones) ?

-L'activité de la mousson dans les régions qui y sont soumises, et qui fournit un potentiel de développement cyclonique, sera-t-elle inhibée ou exacerbée ?

-L'humidité disponible dans l'atmosphère et l'instabilité des masses d'air tropicales et équatoriales subiront-elles une évolution, et dans quel sens ?

-Le réchauffement des eaux augmentera-t-il la fréquence, voire accentuera-t-il l'intensité du phénomène " El Niño ", comme certains le pensent ? Ce qui entraînerait alors une diminution de l'activité cyclonique sur le Bassin Atlantique, mais une augmentation sur le Pacifique Central (vers la Polynésie notamment) ...

-Les changements dans la circulation océanique (on envisage une modification de l’intensité du Gulf Stream en atténuation possible au cours des prochaines décennies) affecteront-ils et dans quel sens la fréquence et la formation des cyclones tropicaux ?


Les modèles climatiques ont beaucoup de difficultés avec la résolution de ces questions, même si certaines idées se dégagent tout de même :

- Il n'est pas démontré d'augmentation sensible du nombre de cyclones sur l'ensemble du globe dû au réchauffement de la Terre durant ces dernières 50 années. Les experts de l'OMM et du GIEC s'accordent à avancer que cette tendance à la « stabilité » devrait se poursuivre …

- Les zones de cyclogenèse (lieux de formation des cyclones) resteraient quasiment les mêmes dans les années futures

- Il apparaît que l'intensité des cyclones les plus développés (ouragans, typhons) pourrait augmenter (donc plus d'ouragans intenses à redouter), de l'ordre de 2 à 11 %, ce qui n'est pas spectaculaire mais notable quand même.

- Le potentiel de fortes pluies dans les cyclones tropicaux devrait augmenter aussi de manière notable, on avance le chiffre de 15 à 20 % de pluies supplémentaires près du cœur des cyclones (dans un rayon de 100 km).

On le voit, concernant l’évolution du potentiel cyclonique, une réponse globale n'existe probablement pas et on assistera vraisemblablement à des réponses plus régionales ou locales, les différents bassins soumis aux cyclones tropicaux pouvant connaître des réponses différentes, voire opposées. On peut juste avancer que la tendance de connaître des systèmes cycloniques plus virulents (en intensité et pluies) dans le futur est une source de menace supplémentaire pour les régions littorales et les îles qui les subissent.

S'il est fort possible que le réchauffement de la planète se traduise aussi par celui des surfaces océaniques, ce qui est un élément favorable aux développements de cyclones, nul ne sait réellement comment les autres acteurs de la formation de cyclones évolueront. Les scénarios - catastrophe évoquent une évolution tous dans le même sens qui provoqueraient plus de cyclones, plus de phénomènes intenses, d'autres scénarios évoquent des paramètres qui n’évolueront pas tous dans le même sens et finalement « une nature bienveillante » qui s'opposerait à cette évolution pessimiste ... Le déroulement du XXIème siècle nous apportera, à nous ou plutôt à nos enfants, les premières réponses, notamment celles évoquant des réponses très différentes selon les bassins océaniques.

On peut enfin évoquer la recrudescence observée et constatée de l'activité cyclonique sur la zone de l'Atlantique depuis 1995. On l'attribue généralement à une variation naturelle multi-décennale - cycle d'une durée de 20 à 30 ans - qui fait alterner les périodes à faible activité cyclonique (1900/1930 - 1970/1994) et celles à plus forte activité (1930/1970 - 1995/en cours jusque vers 2020/2025 peut-être donc). Selon les spécialistes, c'est une modification cyclique du courant océanique de l'Atlantique (plus chaud et plus salé depuis 1995) qui serait la cause principale de cette évolution … A confirmer ultérieurement bien entendu !
Le graphe ci-dessous donne une idée de l'évolution du nombre de cyclones tropicaux depuis 21 ans. Si la part "Atlantique" (en vert) augmente depuis 1995, le nombre annuel sur l'ensemble du globe (en orange) ne semble pas affecté par cette augmentation et stagne aux alentours de 85 à 90 par an.

 

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