ACTIVITE CYCLONIQUE DU MOIS

PERTURBATIONS TROPICALES DE LA SAISON CYCLONIQUE 1998

dans la zone Atlantique – Caraïbes – Golfe du Mexique

Cette saison cyclonique 1998 débute tardivement à la fin juillet, avec ALEX. L’activité apparaîtra ensuite comme assez classique jusqu’au 15 septembre, avec six perturbations baptisées, 3 tempêtes et 3 ouragans, la moitié s’étant formée dans le Golfe du Mexique.

Brusquement du 15 au 23 septembre, vont se former 5 phénomènes, 4 atteignant le stade d'ouragan, le premier de la liste GEORGES laissant des traces meurtrières sur les Grandes Antilles surtout.

Octobre verra encore 2 ouragans, l'un en plein dans l'Atlantique tropical, l'autre particulièrement intense dans la partie occidentale de la Mer des Caraïbes, un cyclone d'intensité 5 à pareille période de l'année ne se retrouvant qu'une seule fois dans l'histoire du siècle, c'était HATTIE dans les derniers jours d'octobre 1961 qui avait intéressé la même région d' Amérique Centrale. Ce dernier ouragan de la saison, MITCH laissera malheureusement des traces meurtrières au Honduras, Nicaragua, et sur les états voisins, on parle de plusieurs milliers de victimes, probablement plus de 20 000 ...

Ainsi l'année 1998 apparaît comme une année riche en cyclones avec 14 phénomènes baptisés, 4 tempêtes tropicales (dont 3 sur le Golfe du Mexique) et 10 ouragans, dont 5 issus d’ondes d’est venant d’Afrique. C’est beaucoup plus que la moyenne comprise entre 9 et 10 phénomènes (dont 5 à 6 ouragans). Elle restera malheureusement aussi dans les mémoires en raison du nombre effarant de victimes en Amérique Centrale dû aux inondations catastrophiques liées au cyclone MITCH.

Tempête tropicale ALEX (27 juillet au 2 août) :

Identifiée le 27 juillet au matin au sud immédiat des îles du Cap-Vert, la dépression tropicale n°1 se renforce en tempête tropicale 36 heures plus tard en plein milieu de l’Atlantique tropical. Evoluant vers l’ouest-nord-ouest en direction du nord des Petites Antilles, elle s’essouffle avant de se désagréger à plus de 250 km au nord-est de St-Barth’.

(pression minimale 1000 hPa, vent maximum soutenu 80 km/h le 30)

Ouragan BONNIE (19 au 30 août) :

Le potentiel cyclonique d'une zone perturbée tropicale est détecté dès l'ouest de l'Afrique vers le 15 août, mais il faudra attendre le 19 pour voir la dépression tropicale n°2 naître officiellement. Centrée vers 15,5°Nord et 50°Ouest, son déplacement rapide vers l’ouest-nord-ouest l’amène à moins de 100 km au nord de St-Martin dans la nuit du 20 au 21 alors qu’elle est déjà une tempête de belle intensité. Mais les conditions climatiques sur les îles du Nord des Petites Antilles ne sont pas trop affectées par sa proximité. C’est au nord de Porto-Rico les 21 et 22 que BONNIE se développe vite et le 23, c’est un ouragan de classe 3 à l’est des Bahamas, avec des vents maximaux supérieurs à 180 km/h, son déplacement devenant alors très lent, mais inéluctable vers le nord-ouest. C’est la Caroline du Nord qui est alors durement touchée en fin de journée du 26 dans la région de Wilmington, alors que BONNIE commence à changer de trajectoire vers le nord puis le nord-est. Faiblissant, il longe le Cap Hatteras, et avant d’atteindre la Virginie plus au nord, bifurque vers l’océan. Il s’éloigne peu à peu, son intensité étant à la limite de la tempête tropicale et de l’ouragan de classe 1. Redevenue tempête tropicale le 28, elle accélère dans le flux de sud-ouest à ouest des régions tempérées. Après être passée au sud de Terre-Neuve, elle fonce en direction de l’Europe sous forme de tempête extra-tropicale.

(classe 3 : pression minimale 954 hPa, vent maximum soutenu 185 km/h le 23)

Tempête tropicale CHARLEY (21 et 22 août) :

La dépression tropicale n°3 prend naissance au sein d’une zone perturbée située en plein centre du Golfe du Mexique. Se renforçant légèrement au stade de tempête, CHARLEY se dirige vers la frontière mexicano-américaine, juste au nord de l’embouchure du Rio Grande. C’est la région de Corpus Christi au Texas qui voit " atterrir " la partie centrale de la tempête, avant que le système ne se désagrège sur le continent. Malgré la modicité des vents, la tempête aura occasionné de nombreuses victimes, plus de 20 au total au Mexique et dans le Texas par les pluies diluviennes essentiellement.

(pression minimale 1003 hPa, vent maximum soutenu 90 km/h le 22)

Ouragan DANIELLE (24 août au 03 septembre) :

La dépression tropicale n°4 est officiellement détectée le 24 au matin à plus de 1000 km à l’ouest des îles du Cap-Vert, vers 14°Nord et 36°Ouest. Tempête tropicale dès l’après-midi, elle se renforce et atteint l’intensité d’ouragan le 25 au matin vers 16°nord et 43°Ouest. Cyclone de petite taille, son déplacement rapide vers l’ouest-nord-ouest lui fait éviter assez largement les Petites Antilles,. L’ouragan DANIELLE passe ainsi à 500 km au nord de St-Martin dans la nuit du 27 au 28, puis évite aussi les Bahamas. Avant d’arriver près des côtes américaines, le cyclone incurve sa trajectoire à plus de 500 km à l’est de la Floride, et repart vers le nord-est les 31 et 1^er septembre, sans avoir touché aucun territoire. Après être passée à plus de 400 km au nord des Bermudes le 2, elle accélère et se dirige en plein Atlantique tempéré rejoindre le Gulf Stream, puis au-delà en direction de l’Europe sous forme de tempête extra-tropicale.

(classe 2 : pression minimale 970 hPa, vent maximum soutenu 165 km/h le 26)

Ouragan EARL (31 août au 3 septembre) :

Une onde tropicale qui avait été très active sur les Petites Antilles les 24 et 25 août s’organise en tempête tropicale le 31 dans la partie méridionale du Golfe du Mexique. Cette 5^ème perturbation cyclonique de la saison se déplace peu tout d’abord avant de se renforcer et de se diriger vers l’ouest de la Floride qu’elle touche au stade d’ouragan à partir du 2 au soir dans la région de Pensacola et Panama City. Elle entre sur le continent, s’essouffle et ne reste plus qu’une perturbation pluvieuse sur les états de Géorgie et Caroline le 3 après-midi.

(classe 2 : pression minimale 986 hPa, vent maximum soutenu 160 km/h le 02)

Tempête tropicale FRANCES (8 au 11 septembre) :

La dépression tropicale n°6 prend naissance, comme l’avait fait CHARLEY précédemment, au sein d’une zone perturbée située en plein centre du Golfe du Mexique. Il semble qu'elle soit un rare exemple dans nos régions de dépression tropicale issue du flux de mousson transéquatorial provenant du Pacifique. Evoluant peu jusqu’au 9 au soir, elle s’organise un peu mieux ensuite et se renforce au stade de tempête. FRANCES se dirige alors vers les côtes du Texas, et " atterrit " comme CHARLEY dans la région de Corpus Christi. Elle atteint San Antonio plus à l’intérieur sous forme de forte perturbation pluvieuse et touche alors les états de Louisiane et Mississippi dans sa remontée vers le nord-est sur le continent nord-américain, avant d’être déclassée dans la nuit du 11 au 12.

(pression minimale 992 hPa le 11, vent maximum soutenu 100 km/h le 10 en soirée)

Ouragan GEORGES (15 au 29 septembre) :

Un système nuageux convectif de bonne dimension est repéré les 13 et 14 septembre, " sortant " du continent africain. Il donne naissance le 15 au petit matin à la dépression tropicale n°7, centrée à plus de 600 km au sud des Iles du Cap-Vert, juste au sud du 10°Nord. Tempête tropicale le 16 et prénommée GEORGES, son déplacement s’effectue rapidement à 35 km/h environ vers l’ouest-nord-ouest sur l’Atlantique tropical. Ouragan le lendemain, son renforcement continu et son mouvement inexorable vers les Petites Antilles en font vite une menace très sérieuse pour notre archipel. Il atteint la classe 4 le 19, alors qu’il se situe à moins de 400 km à l’est de la Guadeloupe. Un brusque affaiblissement, conséquence d’une situation à haute altitude de convergence ou de cisaillement des vents, est une chance pour certains territoires car c’est avec une intensité comprise entre les classes 2 et 3 seulement que l’ouragan les touchera, son centre passant entre la Guadeloupe et Antigua, puis sur Nevis, plus loin sur Sainte-Croix (Iles Vierges).

Mais c’est après qu’il va semer la désolation car il va traverser toutes les Grandes Antilles, Porto-Rico, la République Dominicaine, Haïti, l’est de Cuba, en y faisant de très nombreuses victimes, on parle de plus de 300 morts ... Mais ce n’est pas tout, car GEORGES a décidé de toucher un maximum de territoires habités. Après avoir ravagé le sud de la Floride, et notamment Key West, il se dirige vers l’embouchure du Mississippi, et c’est un ouragan de classe 2 qui frappe les états compris entre la Louisiane et l’ouest de la Floride dans la journée du 28.

(classe 4 : pression minimale 939 hPa le 19, vent maximum soutenu 240 km/h les 19 et 20)

Plus de détails sur Georges : Analyse détaillée

Tempête tropicale HERMINE (17 au 20 septembre) :

La dépression tropicale n°9 prend naissance, comme CHARLEY et FRANCES, au sein d’une zone perturbée située dans le Golfe du Mexique. Evoluant peu durant 48 heures quasiment sur place à 300 km au sud des côtes de Louisiane, elle s’organise un peu le 19 et se renforce au stade de tempête. HERMINE se déplace alors vers le nord et touche les états de Louisiane et Mississippi sous forme de perturbation pluvieuse, avant d’être déclassée sur les terres dans la journée du 20.

(pression minimale 999 hPa le 18, vent maximum soutenu 75 km/h le 19)

Ouragan IVAN (20 au 27 septembre) :

Un système nuageux convectif lié à une onde tropicale donne naissance le 20 au matin à la dépression tropicale n°9, centrée à plus de 800 km à l’ouest des îles du Cap-Vert. Tempête tropicale en fin de journée, elle est prénommée IVAN, et son mouvement général s’effectue vers le nord-ouest. Parvenue près du 30°Nord le 23 après-midi, elle s’intensifie au stade d’ouragan. Il va alors effectuer un large virage vers le nord puis nord-est pour passer légèrement au nord des Açores, puis filer sous forme de tempête extra-tropicale vers l’Espagne et l’Europe à partir du 27.

(classe 1 : pression minimale 975 hPa le 25 au soir, vent maximum soutenu 150 km/h dans la nuit du 25 au 26)

Ouragan JEANNE (21 septembre au 1er octobre) :

Un système nuageux convectif déjà bien organisé est repéré le 20 septembre, " sortant " du continent africain. Il donne naissance le 21 en cours de journée à la tempête tropicale JEANNE, qui est donc le 10ème phénomène cyclonique de l’année. Centrée à plus de 600 km au sud-est des îles du Cap-Vert, vers le 10°Nord, elle suit une trajectoire " heureusement " plus nord-ouest que ouest, ne suivant pas en cela GEORGES quelques jours plus tôt. Renforcée au stade d’ouragan dès le 22, JEANNE continue à remonter vers le centre Atlantique. Il traverse alors les îles des Açores le 30 sous forme de tempête de faible intensité, avant de poursuivre sa route vers l’Europe, en tant que dépression extra-tropicale.

(classe 2 : pression minimale 970 hPa le 24, vent maximum soutenu 165 km/h les 24 et 25)

Ouragan KARL (23 au 28 septembre) :

Une zone perturbée issue du continent nord-américain, probablement les résidus pluvieux de l'ex-tempête HERMINE d'ailleurs, acquiert des caractéristiques tropicales près des Bermudes. Classé dépression tropicale n°11, puis de suite tempête et baptisée KARL, cette perturbation cyclonique se dirige vers le sud-est. Arrivé vers le 30°Nord après avoir atteint le stade d’ouragan, sa trajectoire s’infléchit vers l’est puis le nord-est. KARL atteint l’intensité de classe 2 avant d’accélérer dans les flux de sud-ouest des régions tempérées. Il devient alors une tempête extra-tropicale à proximité de l’archipel des Açores dans la nuit du 27 au 28 puis file en direction de l’Europe.

(classe 2 : pression minimale 970 hPa le 26 au soir, vent maximum soutenu 165 km/h dans la nuit du 26 au 27)

A noter que les 26 et 27 septembre, ont co-existé 4 ouragans, GEORGES du côté des Florida Keys, IVAN près des Açores, JEANNE entre l'Afrique et les Antilles, enfin KARL à mi-distance des archipels des Bermudes et des Açores. C’est exceptionnel, et il faut remonter au 29 août 1995 pour trouver trace d’une pareille activité cyclonique simultanée, avec 4 phénomènes mais il n’y avait alors que 3 ouragans (IRIS, HUMBERTO et LUIS), KAREN étant une tempête tropicale.

Ouragan LISA (5 au 9 octobre) :

Une onde d'Est présente des caractéristiques de dépression tropicale dès les 3 et 4 entre l'Afrique et les Antilles. On attendra l'après-midi du 5 pour que soit officialisée par le NHC de Miami, l'existence d'une tempête tropicale. LISA, 12^ème phénomène cyclonique de l'année, est alors à 1200 km à l'est de l'arc antillais. Elle remonte vers le nord puis le nord-est laissant tout territoire hors d'une éventuelle menace. LISA file du 7 au 9 vers le nord à plus de 60 km/h, tout en se renforçant sensiblement. Elle a juste le temps d'atteindre l'intensité d'ouragan avant de perdre son caractère de cyclone tropical à plus de 1500 km environ au nord-ouest des Açores.

(classe 1 : pression minimale 987 hPa, vent maximum soutenu 120 km/h le 9)

Ouragan MITCH (22 octobre au 6 novembre) :

Une onde tropicale qui avait traversé les Petites Antilles les 17 et 18 octobre est classée dépression tropicale dans la nuit du 21 au 22 juste au nord-ouest de la Colombie, dans l'extrême ouest de la Mer des Caraïbes. C'est le 13^ème cyclone de l'année, qui devient assez vite tempête et baptisée MITCH. Après avoir peu évolué durant 24 heures, MITCH va brusquement se développer de façon explosive et c'est un ouragan de classe 5 qu'on retrouve le 26 au matin entre la Jamaïque et le nord-est du Honduras. Depuis HATTIE fin octobre 1961 qui évoluait dans la même région , on n'avait plus enregistré d'ouragan aussi intense à pareille période de l'année. Mieux même si l'on peut dire, avec une pression de 905 hectoPascals dans l'oeil, avant que MITCH ne traverse la petite île de Swan Island, cet ouragan est le 5ème le plus intense du siècle dans la vaste zone Atlantique après GILBERT en 1988qui détient le record régional de la plus basse pression (888 millibars officiellement, un avion ayant toutefois estimé une valeur de 885 mb apparemment non officialisée), le cyclone de 1935 (892 mb), ALLEN en 1980 (899 mb) et CAMILLE 1969 (901 millibars).

Mais finalement, ce n'est pas par ses vents extrêmes que MITCH restera dans l'histoire, mais par ses pluies diluviennes et continuelles durant 5 jours sur l'Amérique Centrale. En effet, alors qu'on s'attendait à une trajectoire vers le nord-ouest, MITCH va se déplacer très lentement vers le sud, quasiment stationnaire même durant plus de 2 jours, en direction des terres du Honduras et du Nicaragua. MITCH va s'affaiblir et devenir une tempête tropicale, puis simple dépression, mais les inondations et glissements de terrain qui se produisent alors sur ces régions vont avoir des conséquences dévastatrices et meurtrières. Plusieurs milliers de victimes (on parle de 20 voire 25 000 !) essentiellement au Nicaragua, au Honduras, mais aussi des dizaines ou centaines dans les pays voisins, jusqu'à ce que MITCH se dissipe aux confins du Guatemala et du Mexique les 1er et 2 novembre. Depuis le cyclone FIFI en 1974 (estimation de 15 000 morts), c'est la plus grande catastrophe naturelle de la région Caraïbe et de ces pays d'Amérique Centrale, dépassant même ce cyclone d'il y a 24 ans par son horreur ...

MITCH "renaîtra" le 3 novembre, tempête tropicale régénérée au fond du Golfe du Mexique, touche le nord de la presqu'île du Yucatan, puis frôle l'île de Cuba par le nord et traverse rapidement la Floride le 5 sans s'attarder et sans dégât particulier. La tempête rejoint alors le flux de sud-ouest des régions tempérées juste après et est très vite classée phénomène extra-tropical par le NHC de Miami alors qu'elle commence à filer vers les eaux plus froides du Centre Atlantique.

(classe 5 : pression minimale 905 hPa le 26, vent maximum soutenu 290 km/h le 26 avec rafales 340 km/h)

Mais la saison cyclonique n'est pas encore totalement terminée, puisqu'avant la fin du mois de novembre apparaît NICOLE

Ouragan NICOLE (24 au 30 novembre) :

Une dépression froide repérée depuis quelques jours au large du Maroc s'enfonce vers le sud et acquiert quelques caractéristiques tropicales le 24 à 1000 km environ à l'ouest de l'archipel des Canaries. Elle est alors classée tempête tropicale, c'est la 14ème phénomène classé de l'année, et baptisée NICOLE. Elle évolue vers l'ouest-sud-ouest, flirte avec le 25°Nord avant de s'affaiblir et d'être absorbée par une perturbation circulant du continent américain vers l'Europe. 24 heures plus tard, le 27 en mi-journée, la tempête reparaît en plein centre Atlantique. Elle se dirige alors vers le nord puis nord-est, repris par le flux de sud-ouest des régions tempérées. Elle aura le temps d'atteindre l'intensité d'ouragan le 30 avant de rejoindre les eaux plus froides et de devenir une tempête extra-tropicale.

(classe 1 : pression minimale 990 hPa le 29 au soir, vent maximum soutenu 120 km/h dans la nuit du 29 au 30)